La France a laissé un pays riche et prospère. Dans des
conditions moins dramatique qu'en Algérie la bourgeoisie juive,
dont la présence en Tunisie remontait à deux mille ans, le
petit peuple italien, plus nombreux que les français en 1900 et
dont la présence en Tunisie n'était pas coloniale mais de
proximité, tous devenus français par une législation
spéciale française différente de celle d'Algérie,
ont été gentiment mais fermement priés de quitter
la Tunisie et tous les biens agricoles et industriels nationalisés.(
Les lois d'exception pour les français propriétaires d'immeubles
en Tunisie perdurent d'ailleurs toujours malgré les nombreux accords
de réciprocité signés avec la France jamais respectés
par la Tunisie).
Cette perte fut irremplaçable. Bourguiba entreprit avec son
premier ministre Ben Sallah de socialiser le pays. Il le conduisit à
la ruine. Il fallut que Bourguiba, nommé Président à
vie, soit complètement gâteux pour que Ben Ali, formé
par la France, puisse le déchoir de ses fonctions.
L'islamisme prit le chemin de la Tunisie, obligeant Ben Ali à
des actions musclées, à un espionnage permanent, à
faire régner la terreur, une terreur douce, certes, mais une terreur
quand même (comme jadis en France la main de fer dans un gant de
velours).
A part l'industrie du phosphate, qui donna d'ailleurs lieu à
des révoltes ouvrières spectaculaires, créée
par la France (qui en 1900 avait déjà créé
un Institut Pasteur à Tunis) à qui l'on reprochait d'avoir
tout développé pour son bénéfice personnel
alors que le bey touchait les royalties, d'avoir créé des
chemins de fer "à voie étroite", ce qui était classique
pour les industriels, l'économie tunisienne sombra doucement et
l'agriculture devint celle d'un pays pauvre.
Hammamet, immortalisé par ses plages et les écrivains
ou artistes qui allaient y chercher les plaisirs de la chair, devint un
centre de tourisme exceptionnel avec Djerba et le développement
du tourisme donna une bouffée d'air au pays dont la géographie
intérieure n'a pas la richesse de la Beauce et l'amitié franco-tunisienne
envoie aujourd'hui en France 600.000 tunisiens qui travaillent et vivent
chez nous apportant à leur pays les devises nécessaires.
Aujourd'hui, avec ces échanges, internet, la télévision,
les voyages, le tourisme, les tunisiens veulent se moderniser complètement
et profiter de l'essor économique de la mondialisation, alors que
sur bien des points, en bien des endroits, la vie est difficile, avec des
traditions séculaires inhibitrices, des jeunes de grandes villes
qui voient le monde changer mais la mentalité du "bakchich" perdurer
partout, les outrances enrichissantes continuer dans les milieux dirigeants,
la presse d'opposition muselée, une libération des moeurs
et l'expansion féminine couplées à une remontée
de l'islamisme.
Les matières dangereuses ne manquant pas, la première
étincelle enflamme un peuple qui aspire à un autre régime,
mais sans se douter que dans l'ombre se profilent des menaces bien pires
encore que ce qu'il vit et qu'en cas d'explosion le risque est que ce ne
soit pas la démocratie qui gagne.
A tous nos amis tunisiens nous disons que, dans ces difficultés, nous sommes de tout coeur avec eux et que nous regardons avec angoisse se dérouler le parchemin de l'histoire dont on ne connaît jamais la suite qu'après l'avoir vécue.
Ecrit par : Louis Badelon | 31.12.2010